Shoote, mais shoote - Expats en Corée depuis 130 jours
Shoote, mais shoote
Les commentateurs coréens des chaînes qui retransmettent les matches de la coupe du monde de football imitent systématiquement Guy Bedos dans son sketch sur l’amant d’un footballeur qui l’encourage en criant « shoote, mais shoote » (ou aussi « touche, y’a touche », qui me fait beaucoup rire, mais qui ne se traduit pas tel quel en coréen). Nos Thierry Roland et Jean-Mimi locaux crient donc « shoooot » à chaque tir, cadré ou pas, pour mettre de l’ambiance, et surtout pour réveiller le spectateur que cette suite interrompue de nuits insomniaques finit pas assoupir. Eh oui, décalage horaire oblige pour cette coupe du monde en Allemagne, les matches en direct se gagnent à la force du réveille-matin qui sonne en pleine nuit ; point de bière à côté des charentaises, mais un bon litre de café brûlant !
Pour les matches du premier tour où figuraient l’équipe nationale, l’heure tardive – ou dès potron-minet, ça dépendait des fois – n’a absolument pas empêché une marée rouge de plusieurs centaines de milliers de Séoulites de rallier l’immense carrefour du « City Hall » en portant les petites cornes rouges (allumées dans la nuit, s’il vous plaît) des « Diables Rouges » (je croyais que c’était une marque déposée de l’équipe de foot belge, mais il y a concurrence ici). Ambiance bon enfant, écrans plats ultra-géants sponsorisés bien sûr par LG et Samsung, et bordées ininterrompues de « Dae Han-min-kuk » scandés jusqu’au bout de la nuit – voir le post du blog du 1er mars pour la traduction.
J’apprends au passage que dans les grandes compétitions sportives internationales, la Corée se fait nommer Corea (abréviation COR), et non Korea (KOR) comme le voudrait la traduction anglaise de Han-min-kuk ou Hanguk… tout simplement pour passer avant le Japon (JAP) dans l’ordre alphabétique. Ahurissant, non ? Pour ceux qui pensaient encore candidement que la politique n’interférait pas dans le sport de haut niveau…
Toutes ces magnifiques démonstrations de supporters enfiévrés, et de spectatrices poussant de petits glapissements à chaque fois que l’équipe adverse passe la ligne médiane, n’a eu qu’un temps ; un temps beaucoup plus court qu’en 2002, où la Corée était parvenue en demi-finale de « sa » coupe du monde. Cette année, trois petits matches – néanmoins tous très honorables – et puis s’en vont. Battu le Togo 2-1, match nul en peu chanceux contre les Bleus 1-1, défaite contestée contre les Suisses 0-2, et voici nos héros de 2002 rentrer à la maison, et l’atmosphère dans les bureaux redevenir beaucoup plus studieuse. Notre PDG avait tout de même offert le lundi matin chômé à nos 1400 employés le jour du match France-Corée qui se déroulait de quatre à six heures du mat’ heure locale.
En revanche, en bon Français que je suis, je ne peux pas en rester là ! Mon cycle infernal « réveil-matin, charentaises, bol de café, yeux cernés » continue au-delà d’un premier tour où les Bleus brillent par leur médiocrité, mais qui arrachent tout de même leur qualif pour les huitièmes de finales après un 2-0 faiblard contre le Togo. Mais, ce qui restera inoubliable, au-delà de la prestation des Bleus après le premier tour (aujourd’hui en demi-finale, après deux matches fabuleux contre l’Espagne 3-1, buts de Ribery, Vieira et Zidane, puis contre le Brésil ce matin en quarts 1-0, but de Henry sur coup franc de Zidane), ce sont ces trois matches partagés avec la communauté française dans le gymnase du Lycée Français de Séoul. Grâce à un chef d’établissement footeux qui nous ouvre les portes de son école à quatre heures du mat’, nous nous allongeons sur les matelas du gymnase devant un écran géant qui diffuse les « shoooots » des commentateurs Coréens susmentionnés, et qui génère des « Allez les Bleus » nullement teintés de fatigue durant quatre-vingt-dix minutes. Cent Français entre dix et cinquante ans, dont la moitié arborent le maillot numéro 10 floqué du nom de Zidane, n’égalent pas la furia supportrice des vagues rouges du City Hall, mais c’est quand même nettement mieux que de s’exciter/s’endormir tout seul devant sa télé. Merci à Guillaume Cario, donc, qui nous quitte en cette fin d’année scolaire.
Effectivement, Louise et Joshua, après un beau spectacle de fin d’année, ont refermé leur cartable, ont dit au revoir à leurs copains, et s’apprêtent à rentrer en France avec Delphine pour passer les deux mois des grandes vacances en France. Je les y rejoindrai le 19 juillet, pour deux ou trois semaines de congés. Ca sent les « ba-kan-tseu », mot coréen emprunté au français et désignant… les vacances (relisez le mot coréen un peu plus vite, la phonétique est presque parfaite !).
Libellés : Culture et société
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