Métro, boulot, dodo (au bureau) – Expats en Corée depuis 563 jours
Métro, boulot, dodo (au bureau)
Où peut-on lire tranquillement en Corée ? Moi, je préfère feuilleter mon journal anglophone le « Korea Times » tout en sirotant un petit expresso au Coffee Bean d’en face… mais je suis pratiquement le seul dans ce café à consommer solitairement tout en lisant. On a lu que les Coréens lisaient peu. En tout cas, peu de livres, peu de romans. Ida Daussy a même dû abréger la traduction de son autobiographie « Ida au pays du matin calme » dans sa version coréenne. Mais les Coréens lisent beaucoup de journaux. A tout moment, et dans les endroits les plus insolites. Démonstration en trois étapes.
Bon, dans la rame de métro, plier son papier journal en seize pour ne pas éborgner ses voisins à l’heure de pointe, c’est un sport connu dans toutes les grandes métropoles. En Corée, on laisse soigneusement son journal une fois feuilleté sur les porte-bagages, afin qu’il profite aux passagers suivants. Après l’heure de pointe, des employés sont chargés de délester les porte-…journaux, et d’en faire de jolis tas (le vêtement de bure gris à gauche appartient à un moine bouddhiste, accessoirement lecteur de journal à ses heures).
Une fois sorti de la rame, lire dans la station de métro, c’est plus original. Les Parisiens et les Séoulites partagent la même frénésie à se ruer vers la sortie à l’heure de pointe. Néanmoins, une fois le rush passé, des ados et des retraités s’installent tranquillement dans de mini-médiathèques aménagées à cet effet, et où des livres et des journaux les attendent en libre-service. Havres de paix non surveillés. Eclairés au néon mais ouverts à tous. A dix mètres sous terre, mais sans graffiti ni dégradation d’aucune sorte. La Corée dans toute sa splendeur : pourquoi détruire le bien commun, puisque nous formons une nation solidaire. Si j’osais, je dirais que certains modes de pensée en Corée du Sud rappellent le… communisme. Non, c’est juste le confucianisme qui offre ses préceptes de partage du savoir et de recherche de l’harmonie générale.
Enfin arrivé au bureau, il est temps pour tout un chacun de bosser un peu. Oui, mais l’alcool de la veille au soir pas forcément complètement dissous, et le manque de sommeil – chronique depuis son enfance qu’il se tue à la tâche – imposent au Coréen une pause salutaire. Où se reposer un peu sans encourir les foudres de son chefaillon installé au bout de la rangée, l’œil sur les écrans et les profils de ses collaborateurs (comme dirait Sarko) ? Aux toilettes, pardi ! Vers dix heures du matin, sans mentir, il n’est pas rare que les cinq toilettes de mon étage restent obstinément closes durant un bon quart d’heure ! On peut y entendre les pages des journaux se tourner, les conversations téléphoniques sur les mobiles se poursuivre, et accessoirement la nature faire son œuvre. Un présentoir à journaux est d’ailleurs obligeamment placé à proximité des lieux d’aisance, preuve s’il en fallait que cette pratique est reconnue d’utilité publique par la Direction des RH.
(Rappel de ‘posts’ précédents : après chaque repas, on se brosse longuement et énergiquement les dents aux toilettes, tout en vaquant aux autres activités susnommées en même temps !)
Cas extrême : si la petite pause réparatrice du matin aux toilettes n’a pas suffi, on n’hésitera pas un instant à se taper un petit roupillon en réunion. Personne ne s’en offusquera : on dira quelque chose comme « que celui qui ne s’est jamais assoupi lui jette le premier oreiller » (traduction approximative du petit Confucius illustré).
Libellés : Culture et société, Séoul
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